Découverte du texte par la metteuse en scène, Lauriane Goyet :
Le pouvoir de l'errance
"À la première lecture du Conte de l’île inconnue, j’ai été saisie par la poésie du texte de Saramago. L’Île Inconnue battait en moi comme un chant d’amour. Un absolu qui prend forme suivant la place que nous nous permettons de laisser à l’inconnaissable. Mais autre chose remuait à l’intérieur et ce n’est qu’à la seconde lecture que j’ai perçu ce qui m’habitait avec autant de rage, autant de
Le pouvoir de l'errance
"À la première lecture du Conte de l’île inconnue, j’ai été saisie par la poésie du texte de Saramago. L’Île Inconnue battait en moi comme un chant d’amour. Un absolu qui prend forme suivant la place que nous nous permettons de laisser à l’inconnaissable. Mais autre chose remuait à l’intérieur et ce n’est qu’à la seconde lecture que j’ai perçu ce qui m’habitait avec autant de rage, autant de
force et d’espoir : la liberté.
La liberté que nous nous offrons de poursuivre des rêves insensés, la liberté d’aimer et se laisser parcourir par ses sensations. Se réjouir de ne pas savoir où nous arriverons, ne pas s’obliger à choisir, ne pas se contraindre à faire des choix raisonnables, se laisser vivre en suivant cette musique qui bat à l’intérieur de nous et qui nous pousse à avancer. Quel que soit l’inconnu, qui que soit
l’inconnu, il est à l’intérieur. Serein, plein d’espoir, et libre de poursuivre des chimères et découvrir entre mouettes et serpillères des trésors insoupçonnés.
L’errance a-t-elle encore une place dans notre monde efficace ? Pouvons-nous nous permettre de chercher sans l’assurance d’un résultat ? Ce sont les questions que je me pose et que j’aurais envie de poser aux adolescents d’aujourd’hui. Prennent-ils le temps d’errer à l’intérieur de leurs propres méandres ? Prennent-ils le temps de poursuivre des chimères ? Partent-ils à la poursuite d’Îles Inconnues ? Si nous prenons les routes efficaces, que deviennent les beautés fleurissant sur les sentiers et les chemins ? Comment
puis-je savoir qui je suis si je m’oblige à n’être qu’un ? Comment l’erreur nourrit la vérité de chacun ?"
